LA PEINTURE SOUS-VERRE

Peinture sous verre de Carlo Roccella

Qu’on les appelle « peintures sous verre » ou « fixés sous-verre », ou bien, comme au Sénégal des « Suwer » ou encore, à l’anglo-saxonne « peintures sur verre inversé », on retrouve à travers tous les pays du monde cette technique très particulière de peinture sur verre à l’envers.

Techniquement, il s’agit d’une peinture (avec des médiums différents, huile, tempéra, acrylique… dans notre cas : grisaille) appliquée sur l’arrière d’une feuille de verre et destinée à être regardée de l’autre côté. Mais pourquoi? Il suffit d’en voir une pour comprendre tout l’intérêt et le charme de cet art très particulier. Le motif, emprisonné entre le verre et une couche de peinture blanche qui renvoie la lumière, ressort avec une brillance et une netteté que rien ne vient perturber. Les détails se détachent avec force, le couleurs jaillissent intenses et pures et la lumière semble surgir du tableau lui même. Une impression de vie et de fraîcheur se dégage de ces œuvres, protégées, sur leur fragile support, du vieillissement qui accable leurs cousines, les toiles.

En effet, le peintre sous-verre fait tout à l’envers : il peint d’abord les ombres et les nuances, les détails des images, puis les images elles mêmes, puis les aplats et les fonds en dernier. Autant dire que dès le premier détail appliqué, il sait d’avance où il veut aller et n’a quasiment pas droit à l’erreur car il ne peut plus corriger ce qui a été recouvert par les couches successives de la peinture.

Toutes les cultures qui ont connu le verre, ont tôt ou tard succombé à la fascination du fixé sous-verre. La peinture de cour, la peinture galante, comme l’art populaire et de dévotion ont adopté, de la Chine à l’Alsace, du Sénégal au Japon, de Naples à l’Inde, cette technique exigeante et en même temps à la portée de tous, tant ses matériaux sont communs.

La peinture sur verre inversé doit sa brillance à la dernière couche de couleur blanche qui couvre l’arrière de la vitre, protège le dessin et surtout fonctionne comme un miroir à lumière. Cette dernière traverse le verre et est renvoyée au spectateur en traversant les couches de couleur qui s’animent et se chargent de vie au passage.

Art mineur, folklore, tradition populaire observée plus par les ethnologues que par les amateurs d’art, plus par les collectionneurs d’art « ethnique » que par les musées, la peinture sous verre intéresse encore aujourd’hui une poignée d’artistes contemporains qui, comme autrefois, ont choisi de s’exprimer à rebours, à travers la glace transparente.

CARLO ROCCELLA